Sagesse de Philippe Labro
« Il me semble, parfois, que tout ne fait que commencer. Il reste encore beaucoup d’erreurs, de marguerites, de montagnes, de rivières et de danses. Il reste les livres à écrire, le prochain palpite déjà dans l’encre de mon stylo. »
« Rivière » dit le mouvement, et ce livre raconte les mouvements de ma vie. Il dit la nature, il rime avec lumière. Quand je le prononce, je revois les torrents de mon enfance, ceux de ma jeunesse dans le Colorado, ceux de Haute-Engadine où je séjourne régulièrement. C’est un mot qui sonne bien, et je suis passionné par la musique des mots.
Une des maladies françaises, c’est que les gens n’écoutent pas, donc ne comprennent pas… mais s’empressent de juger. La mission du journaliste, c’est d’abord d’aller voir pour comprendre. Ensuite on peut rapporter, être reporter, ce que faisait mes grands anciens, comme Kessel, Roger Vailland, Pierre Desgraupes, Hemingway et tant d’autres.
J’avais un grand patron de presse, Pierre Lazareff, qui nous disait toujours, pour relativiser la tentation de l’Ego : «La page où votre article est imprimé, signé de votre nom, servira demain matin à emballer le poisson !» Alors relativisons, en effet, cela fait partie des petites leçons de vie que j’ai reçues et que je restitue.
[Mon livre] s’appuie sur trois citations que j’adore : un proverbe corse, «Pardonner c’est chrétien, oublier c’est couillon !» ; une phrase de Marguerite Yourcenar, «Quoi qu’il arrive, j’apprends. Je gagne à tout coup» ; et le fameux dialogue entre Prévert et Picasso : «T’as compris quelque chose, toi ? — Non ! — Moi non plus ! » L’essentiel n’est pas d’avoir tout compris, mais d’avoir beaucoup appris. Et il me reste encore à apprendre, il me reste encore à nager dans plus de rivières."
Entretien réalisé avec Philippe Labro à l'occasion de la parution de J'irais nager dans plus de rivières.
© Gallimard.