Régine Detambel a dit
photo Ulf Andersen
"A la main ou à la machine ? Clavier ou papier ? Le matin ou le soir ? Personne encore ne m'a demandé si je travaillais plutôt accroupie ou couchée sur le flanc, ou encore dressée sur le trépied formé de mes épaules et de ma nuque, tête en bas et mollets croisés, comme un yogi. Depuis l'expérience du pupitre scolaire, tous semblent convaincus qu'on ne peut penser et écrire qu'assis. (...) Quant à moi, je galope sur mon tapis de course qui sent le caoutchouc brûlé. Je jogge comme un hamster sur cette piste noire qui tourne sous moi.
L'écrivain ne va nulle part, certes. Mais il y court. Il vit sur l'aile. (...) Jamais un poète ne parle de ses pieds, il ne parle que de ses ailes. (...) Le mot est une foulée. Malherbe recommandait d'aller écouter les crocheteurs. Ces gens parlaient leur travail athlétique, ils lançaient et attrapaient et portaient les mots, ils fabriquaient leurs phrases au cours d'un effort musculaire.
Un texte est sans assise. Il n'a jamais de base stable. Un texte n'aurait d'existence que sous trois formes, et toutes mobiles : à l'état de composition quand on le rumine et le fabrique ; à l'état de diction ou de lecture ; à l'état martelé, par la course ou le battpoir des femmes, c'est du pareil au même."
Régine Detambel, in Le Monde Livres, 11 janvier 2008. (Son site et son oeuvre : www.detambel.com)