"Tu ne me parles plus, Loire", d'André Spire
Tu ne me parles plus, Loire.
Si près, si proche.
Que d'aubes, que d'aurores
Montaient de ta surface descendante !
Aidée par les vents d'est,
Rebiffée, remontée par les caprices des vents contraires,
Tes rires pétillaient parmi les rives de tes criques,
Et s'égrénaient sur tes crépuscules diaprés.
Te souviens-tu ? Ma barque
Le long de tes racines balancées
Tourbillonnait sucée par tes remous.
Et frôlée par les doigts d'argent de tes osiers languides
Ses flancs chantaient l'espoir d'un monde bleu
Sans cris, sans heurts, sans colères...
Et plus rien maintenant.
L'aimant qui me soulevait sur ton passage
S'est-il usé, dissous?
Horizon clos, ciel écrasé dans sa calotte de nuages,
Vers l'immense océan tu continues ta course.
Moi, si près de ma borne, tu me laisses
Paupières lourdes, voix sourde, mains aux genoux,
Dans le morne muet de tes champs moissonnés.
André SPIRE