Alain Chabat a dit :

"La normalité du bizarre, ça me parle. J'aime quand l'incroyable, l'impensable, devient tout à coup logique. 

Je suis un besogneux, un lent. Je me prends trop la tête, aussi. La moindre ligne que j'écris, la moindre petite idée, je la tords dans tous les sens. (...) Je me pose des milliards de questions, tout le temps. (...) Le problème, c'est que, moi, dès que j'écris trois pages, le film coûte déjà vingt barres ! Donc forcément tout se complique... Avec moi, ça devient très vite le bordel.

Je n'arrive pas à créer par la contrainte. J'adorerais savoir tourner un film en quatre semaines avec une idée brillante (...). Pour l'instant, je n'y arrive pas. (...) Je n'aime pas voir l'effort à l'écran, c'est un truc qui me sort du film. La moindre des choses, à l'écran, c'est que le spectateur n'ait pas l'impression de voir les virgules du scénario. Il faut que ça coule, que ça file. Les films avec des bons mots, si c'est mal dirigé et mal joué, c'est un peu un cauchemar. Tu ne vois plus le personnage, tu vois le mec avec sa clope et son café, devant son écran d'ordinateur, en train de taper, et qui se dit : "Ça, c'est drôle ; ça, ça va faire marrer les gens." Il faut chercher les accidents au cinéma.

Je crois qu'il ne faut pas tout à fait savoir comment on fait rire pour pouvoir continuer à le faire. C'est un truc d'instinct, un truc physique, un truc de swing, qui tient aussi beaucoup au montage au cinéma.

[Une bonne histoire, c'est] une histoire qui ne me lasse pas, alors que je sais que je vais passer deux ans de ma vie dessus. J'ai des dizaines de débuts de scénario qui ont fini au fond d'un tiroir parce qu'au bout d'un mois ou deux, déjà, moi, ça ne m'intéressait plus tellement. Alors le spectateur... Après, de manière plus concrète, pour moi, une bonne histoire, c'est avant tout un point de vue. Je crois qu'on voir des films, on lit des livres, on va au spectacle pour voir le monde à travers les yeux d'un autre, non ?

Le cinéma, c'est une promesse. Et il ne faut pas la trahir."

Alain Chabat, propos recueillis par Renan Cros, TROISCOULEURS, juin 2022.