Jim Harrison a dit (1) :
"Il y a quelques années, alors qu'à près de soixante ans je ressentais de manière poignante la menace de la mort, je me suis dit : "Le moment est venu d'écrire mes mémoires." Ce que j'ai fait. Mais la vie en a décidé autrement et, plus de quinze ans après, je ne suis toujours pas mort, une agréable surprise pour un poète qui était persuadé de mourir jeune, écroulé sur le plancher de sa maison, ou près d'une des innombrables fontaines de Rome, ou encore affamé dans une chambre de bonne parisienne perversement située au-dessus d'un bistro, comme pour lui faire humer les odeurs délicieuses de plats qu'il ne pouvait s'offrir.
Je ne regrette nullement d'avoir d'avoir cédé à ces illusions qui semblent faire partie intégrante de l'existence. En fait, j'ai passé un bon mois à essayer de décider si je devais intituler ce texte "Le Vieux Saltimbanque" ou "Le Vieux Bâtard". Les deux titres conviennent, que l'on frime ou que l'on fasse son numéro de chien savant pour du fric. Les bâtards ressemblent de manière frappante aux écrivains.
Pour être honnête, ce qu'en général je ne suis pas, quand je me suis mis au travail, ma famille a insisté pour être tenue à l'écart de mon projet. (...) J'ai décidé de poursuivre mes mémoires sous la forme d'une novella. A cette date tardive, je voulais échaper à l'illusion de réalité propre à l'autobiographie.
[A propos de Faulkner] Quand on lui demanda de quoi un écrivain avait besoin, il répondit : "De papier et d'un crayon." Autrement dit, trouve toi-même, il n'y a pas de raccourcis. Il faut y consacrer ta vie entière."
Jim Harrison, Le Vieux Saltimbanque, éditions Flammarion, 2016.