Siné : "Mourir ? Plutôt crever !"
Et banzaï malgré tout - La Rédaction - Siné Mensuel
On se souvient de la Une de Siné Mensuel (titre du film de Stéphane Mercurio, belle-fille du dessinateur). Libération reprend la formule et Willem, l'ami indéfectible, l'illustre pour sa Une. Les hommages se multiplient, Delfeil de Ton dans L'Obs, Philippe Geluck, Willem encore et Lindingre, Plantu sur Twitter, etc.
Dans son dernier édito, Bob Siné se montrait plutôt pessimiste quant à son avenir proche :
En 2009, dans le film de sa fille, on le voyait choisir la concession avec sa femme et Benoit Delépine. Un chat replet semble avoir élu domicile ici : signe du destin ! Un sommet d'humour noir et d'amitié :
Tout ça parce que Siné, il a mouru. Il sèmera désormais sa zone "avenue de la Croix", au cimetière de Montmartre, à quelques caveaux de la Goulue et de Stendhal.
Son avant-dernière Zone, intitulée "De l'art ou du boxon" :
"Je suis en train de débarrasser tant bien que mal ma minuscule table à roulettes d’hosto d’environ 70 cm sur 50 cm et sur laquelle un tas de saloperies sont entassées par hasard et par la force des choses depuis des jours car je dois attaquer ma page manuscrite pour le prochain Siné Mensuel qu’on boucle, envers et contre tout, dans quelques jours…
Ça me rappelle mon pote Daniel Spoerri, plus farceur que sculpteur, qui avait trouvé, dès 1956, une colle miracle genre super glue et qui confectionnait des natures mortes d’objets qu’il collait horizontalement et qu’il accrochait ensuite verticalement aux cimaises des galeries, prétendant que c’était de l’art !
Il vidait complètement de vieux tiroirs de buffets dans lesquels étaient entassés plein de vieilles saloperies inutiles et les recollait scrupuleusement dans la même position, en ayant pris soin de faire un polaroïd avant pour respecter le désordre original.
Ces tableaux avaient finalement de la gueule sans l’avoir cherché, des sortes de readymade à la Duchamp mais plus élaborés. Ce joyeux fêtard a réussi, au cours d’années de supercheries, à être connu et reconnu.
Avec ma table, il aurait réussi à susciter de la curiosité avec tout ce merdier : des pansements ensanglantés, des pelures d’orange, des pâtes de fruits de chez Lenôtre, un paquet entamé de Haribo Croco, une salière, une bouteille de Tabasco, des boules de mie de pain, des disques durs pour mon ordi, des rallonges de toutes sortes, un casque audio, mon téléphone, un livre porno de mon gendre, Jean-Pierre Bouyxou, Muguette, écrit en 1971 mais qui vient de reparaître à la Musardine, un pistolet pour me vider la vessie tous les quarts d’heure à cause d’un médoc administré à haute dose pour me faire pisser, un paquet entamé de Kleenex, un masque à inhalations, un stylo, un crayon, une gomme, du tipex, un agenda, des soupes et du Nescafé lyophilisés, des revues, un vieux Libé, un hors-série du Monde consacré à Jean Genêt, des médocs, une tasse, un verre, une carafe et des couverts sales…
C’est héroïque de bosser au milieu de ce chantier, c’est moi qui vous le dis ! Il faut vraiment que je vous aime, bande de fripouilles !
Bon, allez, assez jérémiadé, je vous embrasse tous.