Frédéric Beigbeder a dit :

A propos du dernier livre de Jean-Philippe Toussaint, L'Urgence et la patience, paru aux éditions de Minuit)

"Toussaint vient de mettre deux mots sur une évidence impalpable : écrire c'est être tiraillé entre deux forces contradictoires. C'est, dit-il, comme "tirer des pénaltys avec des chaussures de ski".

D'un côté il faut une URGENCE. Trop de livres ne sont pas nécessaires ; on pond alors ce que Paulhan surnommait des "livres qu'il n'aurait pas fallu". Beaucoup d'auteurs n'ont tout simplement rien à dire d'indispensable. (...) Un écrivain, c'est quelqu'un qui n'a pas le choix. On écrit comme on tombe amoureux : un livre s'impose à soi.

Cette "urgence" est bien sûr compensée, voire provoquée, par un réflexe opposé : la PATIENCE. Pour bien écrire, il faut savoir attendre, "laisser le livre infuser en soi." On imagine souvent l'écrivain au travail comme un glandeur inquiet de se faire poser un lapin par les Muses : c'est exactement ça. Ecrire suppose du temps, de l'ennui, du silence, de la solitude. C'est aussi une question de discipline : écrire c'est aussi se retenir d'écrire.

Souvent, les mauvais livres sont écrits trop vite. L'auteur a cru que l'urgence suffisait, qu'il tenait un truc d'enfer, qu'il devait le pondre d'un seul jet, sans respirer : le résultat est bâclé, la forme saccagée, les phrases banales - la nécessité ne suffit pas."

Frédéric Beigbeder (extraits de sa chronique "Mauvaise foi", in Lire, avril 2012)

Comments

[jean-Charles]

On ne peut qu'être d'accord avec tout cela. C'est vrai que l'écrivain sait très bien qu'il ne devrait écrire que lorsque qu'il en ressent vraiment le besoin...mais s'il ne se force pas un peu, il peut arriver à ne plus écrire assez pour rester un écrivain. Sans compter la pression des amis, des lecteurs, des libraires, des éditeurs pour certains...