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Le blog de Jean-Noël LEBLANC
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13 mai 2011

En souvenir de Pascal Garnier

 pascal_garnierAu printemps 2007, Pascal Garnier avait arpenté les routes de la Nièvre pour présenter Comment va la douleur ? - un roman noir dont l'adaptation est diffusée sur France 2 ce soir à 20h35. Nous avions rencontré à cette occasion ce tendre cynique, bougon attachant et sacré styliste, qui nous a définitivement quittés en mars 2010 pour aller rudoyer les anges. Cette interview restée inédite nous révèle un homme drôle, touchant et direct, aux propos parfois bruts.

Pascal Garnier, depuis quand écrivez-vous ?

 Depuis que j'ai arrêté de lire, vers 35 ans. A la place, j'écris.

  Et qu'est-ce qui vous a poussé vers l'écriture ?

 L'ennui...

 Vous souvenez-vous de votre toute première œuvre ?

 Oui, et je me souviens très bien aussi de ma première lettre de refus. C'était chez Gallimard : "Monsieur Garnier, vous écrivez pour des gens qui ne lisent pas." Ça m'a rendu encore plus dépressif, entre 34 et 35 ans. Je me suis demandé : bon, comment je me suicide ? Avec une corde, avec un pistolet ? Ou je me jette par la fenêtre de mon rez-de-chaussée ? Finalement, ça a été un beau défi à relever.

comment Incroyable histoire que celle de votre roman, Comment va la douleur ? Peut-on parler d'inspiration ?

 L'inspiration, je ne sais pas, mais ce qui compte, c'est l'expiration. On ne peut pas vivre en apnée. Inspiration, expiration ! Inspiration, expiration ! Tu comprends, les histoires, ça court les rues, faut vraiment être jobard pour ne pas en avoir. Tu passes avec ton filet à papillons ou à crevettes, certaines passent à travers les mailles, mais il en reste suffisamment. Non, les histoires, c'est pas important ; ce qui compte, c'est de les relater : le travail, c'est le style.

 Préférez-vous écrire à un moment précis de la journée ? Au moment où vient cette inspiration ?

 Tu n'attends pas d'avoir l'inspiration, tu travailles de telle heure à telle heure. Parfois ça marche, parfois pas. Il y a une discipline, c'est ça qui compte. J'ai jamais travaillé de ma vie, j'ai toujours vécu en passager clandestin, mais à présent, j'ai des horaires de bureau : 9h-12h, 14h-16h... Et plus si affinités. Maintenant, c'est moi le patron, alors si je ne suis pas au boulot, je m'engueule !

  Comment vous mettez-vous en condition ?

 Comme je crains des problèmes avec la justice, je préfère ne pas répondre... J'ai un bureau, mais une fois en écriture, t'as des trucs dans la tête, des petits machins qui passent. Même si tu fais la bouffe, tu prends des notes, tu écris tout le temps. Ton bureau, il est dans ta tête. Je marche dans la campagne, je travaille ; je marche dans la ville, je travaille. Après, c'est une autre partie du boulot : relever les carnets, recopier les notes.

 Avez-vous des tics, des manies quand vous écrivez ?

 Je regarde un peu trop mes mains écrire. Elles ont vieilli, beaucoup. Ma peau fripée, ça m'effraie. On dirait que c'est celle d'un autre. C'est un peu curieux, comme si ce n'était pas moi qui écrivait : elles marchent toutes seules, comme des araignées sur le papier. Pareil sur le manche de ma guitare, de mon banjo.

 En phase d'écriture, restez-vous accessible aux autres ou complètement accaparé par votre histoire ?

 Personne au monde ne peut me sortir de ça ! Quand je suis dans un bouquin, je m'en fous complètement, je suis complètement dans mon histoire. Mais toujours friand des expériences des autres. J'ai pas grand chose, c'est les choses qui m'enrichissent, qui nourrissent mon histoire. Après, bien sûr, il faut que je me mette intra-muros, intra-utérin pour rédiger, mais je suis pas un grand écrivain avec une fragilité. Je suis pas un fragile, je suis pas trop chochotte. J'évite de jouer l'artiste, je suis dans la vie. Pas exactement la même vie que les autres, il y a une sensibilité, c'est vrai. Mais je fais la bouffe tous les jours, je fais la vaisselle, je cire mes godasses... Et j'ai un côté roquet : même si je me plante, je sais aussi que, dans le bouquin, y a des trucs bien.

 Est-ce que vous pourriez arrêter d'écrire ?

 Si j'arrête une semaine, je me sens mal. Là, j'ai cinq ou six bouquins qui sont prêts, j'ai l'impression d'être à la retraite ! Comme je ne fais pas de différence entre réalité et fiction, à partir du moment où j'écris, ça existe ; et à partir du moment où j'écris, j'existe. J'aurais préféré faire du rock and roll, mais j'avais pas le talent et les couilles pour ça.

 Au fond, pourquoi écrivez-vous ?

 J'écris déjà en grande partie pour partager avec les autres, comme n'importe quel artiste qui crée. Tu fais pas ça uniquement pour ta gueule. C'est comme la différence entre baiser et se branler : y a pas de mal, mais le plaisir est pas le même... Et j'écris simplement pour rester en vie. Tant que ce n'est pas fini, je reste en vie. Ça paraît excessif, mais quand je suis dans l'écriture, il ne peut rien m'arriver. Un jour, je lâcherai les freins, sûrement. En attendant, je fais mon boulot de gentil tueur à gages...

 (Jean-Noël Leblanc, interview réalisée en 2007)

 Le roman :

" Simon, consciencieux « éradicateur de nuisibles » (comprendre tueur à gages sans états d'âme), croise par hasard Bernard, jeune homme solaire et sans malice. Simon souhaite raccrocher, il a de l’argent, et Bernard a tout son temps : il sera son chauffeur pour sa dernière mission." Paru aux éditions Zulma.

http://www.zulma.fr/auteur-pascal-garnier-100.html

comment_va
Le téléfilm :

"La rencontre d'un tueur à gages cynique en fin de carrière et d'un jeune homme perpétuellement ravi : une adoption mutuelle sur fond d'ultime contrat à honorer."

Mise en scène de François Marthouret, avec Bernard Lecoq dans le rôle titre. Diffusion ce soir (vendredi 13 mai) sur France 2, à 20h35.

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Commentaires
V
merci jean-noel pour ce bel article, j'avais prévu de voir ce téléfilm ce soir (en espèrant que la tnt soit au rdv....) ce que disait monsieur Garnier : formidable .....<br /> merci <br /> bonne journée amitiés véro
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  • La petite vie et la grande œuvre de Jean-Noël Leblanc ! Avec des perles de lycéens, des vaches de profs, des chats peinards, des copains hilares, à boire, à manger, à chanter, à voir, à rêver, à lire, à rire, à sourire. A vivre mieux, peut-être !
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