Balzac a dit (1) :
"Entre nous, je ne suis pas profond, mais très épais.
Quand je n'écris pas mes manuscrits, je pense à mes plans, et quand je ne pense pas à mes plans et ne fais pas de manuscrits, j'ai des épreuves à corriger. Voici ma vie.
Il faut que la pensée ruisselle de ma tête, comme l'eau d'une fontaine. Je n'y conçois rien moi-même.
J'ai, pendant un mois, à ne pas quitter ma table, où je jette ma vie comme un alchimiste son or dans un creuset.
Je vis le plus dur des despotismes : celui qu'on se fait à soi-même. Je travaille nuit et jour. Je suis venu ici me réfugier au fond d'un château, comme dans un monastère. Si je vais à Angoulême, ce sera pour travailler. Toujours les ressorts cérébraux tendus !... Pas de relâche ! Ma vie est un combat ; il faut que je dispute pied à pied la reconnaissance de mon talent, si talent il y a. Puis, ce qu'il m'en coûte de privations, pour obtenir ce travail forcé, ne s'explique pas. Point de plaisirs ! Quand je pense qu'aujourd'hui il y a des femmes qui m'écrivent de tous les côtés, et qui me complimentent, me croyant une vie de délices (...) L'égoïsme de l'homme qui vit par la pensée est quelque chose d'affreux. Pour être un homme en dehors des autres, il faut commencer par s'en mettre réellement en dehors.
Je me couche à six heures du soir ou à sept heures, comme les poules ; on me réveille à une heure du matin, et je travaille jusqu'à huit heures ; à huit heures, je dors encore une heure et demie ; puis je prends quelque chose de peu substantiel, une tasse de café pur, et je m'attelle à mon fiacre jusqu'à quatre heures ; je reçois, je prends un bain, ou je sors , et après dîner, je me couche.
C'est toujours la même chose : des nuits, et toujours des volumes ! Ce que je veux faire est si élevé, si vaste ! (...) Vous ne vous figurez pas ce que c'est que La Comédie Humaine. C'est plus vaste, littérairement parlant, que la cathédrale de Bourges architecturalement. Voilà seize ans que j'y suis, et il faut huit autres années pour terminer."
Honoré de Balzac (propos recueillis par... lui-même !)