Pour en finir avec Mai 68...

Aujourd'hui 30 mai, il est vraiment temps que je parle des événements de Mai 68. Parce que, franchement, juin 68, j'ai bien l'impression que tout le monde s'en fout...
Pour évoquer ce "temps des barricades", des communautés hippies et des pavés (qui n'avaient rien de Decizois), j'ai choisi un angle un peu différent : celui de Paris Match qui ne souffle pas dans le vent des médias actuels, nostalgie en poupe.

Tout commence par un titre vachard et drôle :

Mai 68, les nantis conformistes

Belle photo, façon affiche déchirée.

Ouille ! Ça fleure la subjectivité assumée, qui se confirme à la lecture d'un intertitre, question posée aux invités de la photo : "Les soixante-huitards ont-ils trahi l'esprit de Mai 68 ?" Un encadré vengeur porte l'estocade : 

"Les coulisses d'une photo qui n'a pas eu lieu !

50 pavés, un banc, un braséro, un poteau d'arrêt de bus, un panneau "Stationnement interdit", une poubelle de l'époque, cinq grilles d'arbre, un drapeau rouge, des affiches et des journaux de l'époque... Et une autorisation préfectorale ! Dimanche 2 mars, la Sorbonne avait pris un petit air de Mai 68... L'idée était simple et pas vraiment révolutionnaire : faire poser les fameux contestataires sur les lieux et dans l'apparat de leurs exploits. Mais, quarante ans plus tard, ce bain de jouvence ne plait pas à tout le monde. Une fois de plus, Alain Geismar mène la danse : "Non, non, moi , je ne me mets pas là, c'est ridicule !" Plus ou moins d'accord avec leur leader, les autres ont suivi. Paris Match en sera pour ses frais. On espérait une photo qui nous replonge dans l'atmosphère de l'époque, nous avons eu une réunion de sexagénaires dénués d'humour, se prenant très au sérieux et posant devant la célèbre université. Jérôme Béglé"

On se demande quand même si Paris Match n'a pas invité ces personnalités exprès pour les descendre. A-t-on écrit l'article vengeur après déception, ou tout était-il déjà prévu ? Tout au long de l'article de Jérôme Béglé, on a l'impression que certains sont clairement dans la ligne de mire  : "Toujours très imprégné de son importance, Alain Geismar, haut-fonctionnaire à l'Education nationale, se place lui-même au centre de cet épicentre."

Un vrai flingage en règle : "Partis pour changer la société, ils n'auront changé que la moquette des bureaux dont ils se sont emparés. Sous les pavés, les gavés. Seulement voilà, aujourd'hui, ce sont nos patrons et ils occupent tous les bons postes. Par conséquent on les méprise, mais on les redoute. (...) Ces temps-ci, évidemment, quarante ans après leur grand safari urbain,  ils sont déchaînés et publient tous leurs Mémoires de guerre. Lisez-en un ou deux. Je vous le jure, c'est pittoresque." Gilles Martin-Chauffier.

Il y a longtemps que je n'ai pas assisté à pareil tir d'obus dans un magazine généraliste. Waouh ! Allumer le feu ! Allumer le feuuuuuu !...

Et pour lire de vraies archives sur Mai 68, vous pouvez par exemple consulter le blog de notre ami Michel Benoit :

www.michelbenoit.canalblog.fr

En Mai 68, j'avais... deux ans et demi ! Difficile pour moi de prendre parti très objectivement. Mais je vous reproduis ce que je lis dans la savoureuse Encyclopédie du savoir relatif et absolu de Bernard Werber, à propos des fourmis : "Le fait que n'importe quel individu puisse à tout moment mouvoir la société entière sans avoir de "diplôme" et de "grade" hiérarchique est un plus par rapport aux sociétés humaines où l'on n'écoute plus les gens que s'ils ont fait leurs preuves ou s'ils ont un titre quelconque.

A force de vouloir placer des fourches caudines pour éduquer les jeunes et pour les autoriser à être entendus, la société humaine perd énormément d'énergie et d'inventivité."