Johnny est mort !

  Un bandeau défile en bas de l'écran :

"JOHNNY HALLYDAY EST MORT CE SOIR A SON DOMICILE DE MARNES-LA-COQUETTE".

Un ascenseur tombe dans mes entrailles.

Le nouveau livre de Guy Carlier, Quelque chose de Johnny, est très drôle et très malin.

Très drôle parce que le féroce humoriste passe en revue tout le petit monde médiatico-politique habituel et que chacun en prend pour son grade : Nikos et son émission hommage, Sardou et Pagny qui se marquent à la culotte pour devenir "l'héritier", la pauvre Catherine Deneuve bousculée et tripotée à l'enterrement, l'abbé de La Morandais proprement étrillé en des scènes réjouissantes et burlesques, les caciques à perruques de la SACEM, Attali et Raffarin dans des discours et des pas de danse, les vieux motards ventripotents qui mènent le cortège et se cassent la figure, Sarkozy qui débarque en santiags, Jean-Claude Camus grand ordonnateur du convoi funéraire (sponsorisé par Optic 2000 avec un loup peureux et un sosie de Johnny...).

Un bouquin très malin aussi parce qu'au lieu d'enchaîner par chapitres indépendants les chroniques et les portraits acides, il donne une unité à l'ensemble en prenant le prétexte de "la mort de l'idole" et de la réaction des uns et des autres. A la fois chronique (sans s) et roman, mêlant souvenirs véritables et inventions pittoresques. Un petit reproche peut-être, Guy : tu te complais parfois dans le graveleux et le pipi-caca (ton côté sale môme, probablement) : les détails scatologiques sur Pierre Delanoé au restaurant, probablement vrais, n'ajoutent rien à ton livre si drôle, si ce n'est sans doute nous renseigner sur ta peur de la vieillesse.

Sentant peut-être que par moment il va un peu loin dans la dérision et qu'on peut le lui reprocher, Carlier se met aussi en scène sans se ménager :

"Ce type-là m'exaspère. Il a construit sa pitoyable popularité en flinguant la télé pendant des années avec ses chroniques sur France Inter et aujourd'hui, le voilà prêt à trimballer son ventrez squr tous les plateaux de télé et nous imposer son goulash intellectuel où trempent dans une soupe nostalgique  des morceaux d'ironie caustique et des enthousiasmes de midinette. (...) Carlier peut se moquer des Miss Météo de TF1 qui minaudent, lui qui est un quinquagénaire qui joue les affreux jojos d'école primaire."

La fin propose aussi une pirouette pour se faire pardonner d'avoir "organisé" la mort de l'idole et joué avec la Faucheuse.

Un livre à recommander aux amoureux de Johnny et aux autres, et qui provoque de nombreux éclats de rire : enfin, par la fiction débridée, Guy Carlier se rapproche d'une autre de ses idoles, San Antonio, dont il a épousé la fille il y a quelque temps. Et comble du hasard, la première photographie sur laquelle j'aboutis en cherchant une illustration de tombe pour cet article, c'est celle... de Frédéric Dard.

A lire pour passer de bons moments de poilade. Mais pour la réédition, cher Guy, faudra peut-être remplacer Cécilia par Carla. A moins que d'ici là... On attend un nouveau roman de ce genre sur les amours présidentielles !