"Il faut vivre", de Claude Lemesle

IL FAUT VIVRE


Il faut vivre, l'azur au-dessus comme un glaive
Prêt à trancher le fil qui nous retient debout
Il faut vivre partout, dans la boue et le rêve
En aimant à la fois et le rêve et la boue
Il faut se déplacer d'adorer ce qui passe
Un film à la télé, un regard dans la cour
Un coeur fragile et nu sous une carapace
Une allure de fille éphémère qui court
Je veux la chair joyeuse et qui lit tous les livres
Du poète au polar, de la Bible à Vermot
M'endormir presque à jeun et me réveiller ivre
Avoir le premier geste et pas le dernier mot
Étouffer d'émotion, de désir, de musique
Écouter le silence où Mozart, chante encore
Avoir une mémoire hypocrite, amnésique
Réfractaire aux regrets, indulgente aux remords

Il faut vivre, il faut peindre avec ou sans palette
Et sculpter dans le marbre effrayant du destin
Les ailes mortes du Moulin de la Galette
La robe de mariée où s'endort la putain

Il faut voir Dieu descendre une ruelle morne
En sifflotant un air de rancune et d'espoir
Et le diable rêver, en aiguisant ses cornes
Que la lumière prend sa source dans le noir
Football, amour, alcool, gloire, frissons, tendresse
Je prends tout pêle-mêle et je suis bien partout
Au milieu des dockers dont l'amarre est l'adresse
Dans la fête tzigane et le rire bantou
On n'a jamais le temps, le temps nous a, il traîne
Comme un fleuve de plaine aux méandres moqueurs
Mais on y trouve un lit et des chants de sirènes
Et un songe accroché au pas du remorqueur
Jamais ce qui éteint, jamais ce qui dégoûte
Toujours, toujours, toujours, ce qui fait avancer
Il faut boire ses jours, un à un, goutte à goutte
Et ne trouver de l'or que pour le dépenser
Qu'on s'appelle Suzanne, Henri, Serge ou que sais-je
Quidam évanescent, anonyme, paumé
Il faut croire au soleil en adorant la neige
Et chercher le plus-que-parfait du verbe aimer

Il faut vivre d'amour, d'amitié, de défaites
Donner à perte d'âme, éclater de passion
Pour que l'on puisse écrire à la fin de la fête
Quelque chose a changé pendant que nous passions.

Claude Lemesle  (chanson pour Serge Reggiani)

Allez découvrir d'autres chansons (en vidéo) de ce grand auteur, dans le bel article que lui a consacré le site Boxartist :

http://www.boxartist.com/blog/index.php/?2008/07/07/418-claude-lemesle-auteur-incontournable-de-chanson-francaise

Comments

[Chantsongs]

Je découvre ce texte de Claude que je ne connais pas

... j'ai eu la chance de faire partie de son atelier de textes de chansons pendant quelques années

j'ai beaucoup appris de ce grand auteur !

bonne journée

Bernard

[Alain Berche]

Un superbe texte, il s'y mêle les affres de la vie et la fabuleuse résilience de l'homme quand l'amour devient sa muse et son âme sa force.

Merci..., merci

Alain Berche

[Annie Schwebel]

Dite par Isabelle Audrey dans l’émission Ça commence aujourd’hui le 15 Juillet 2020

[papaille]

bonjour, sachez que cette chanson a été écrite chez Henri Michel, le grand footballeur de Nantes et le grand ami de Claude Lemesle après une nuit de fête; d'ailleurs on retrouve les prénoms Henri et Suzanne (la femme d'Henri Michel) dans la chanson ; elle lui a été déposé alors qu'Henri dormait sur sa table de chevet;..et elle a été lue aux obsèques d'abord de Serge Reggiani et plus récemment à celles de Monsieur Henri Michel...