Les élections américaines, vues par... Georges Clemenceau !
« Le carnaval américain revient tous les quatre ans, et dure environ deux mois. Le prétexte de ce dévergondage général des esprits est l’élection présidentielle. Ce n’est pas que chacun ne prenne la chose au sérieux. On y attache au contraire un si grand intérêt que la fête se termine rarement sans émeutes et sans des batailles. Mais le jeu consiste précisément à donner une forme grotesque à un acte sérieux et réfléchi.
Le pays, divisé en deux camps, les pensées communes tournées vers deux hommes qui personnifient chaque parti, les passions s’allument. Liberté absolue de parler et d’écrire, de se moquer, d’insulter, de médire, d’exciter à la haine et au mépris de qui et de quoi que ce soit et non pas une liberté platonique, mais une liberté réelle et vivante, dont chacun use à ses risques et périls (…).
Parfois, piqués à tout propos par les interruptions continuelles d'un auditoire malveillant, les deux orateurs s'irritent, s'invectivent et finissent par se servir de leur piédestal pour se casser réciproquement la tête. (...)
Et que dire de la presse, de ses attaques sans mesure, de ses médisances, de ses calomnies, de ses caricatures qui s’en prennent à la vie privée, et ne respectent absolument rien ? (…)
Sous cette écume que le vent emporte, le fleuve roule sous ses flots puissants. La volonté du peuple se manifeste souveraine et l'ordre se fait soudain. »
Georges Clemenceau,
Lettre des Etats-Unis, septembre 1868.