Bernard Pivot a dit :
Bernard Pivot, photographie de Lionel Guericolas
"Mon père étant prisonnier, ma mère s'était réfugiée dans un modeste appartement du Beaujolais avec mon petit frère qui n'avait que quelques semaines. Nous n'avions ni livres, ni librairie. Dans la maison, il y avait une vieille édition du Petit Larousse, probablement des années 1930 et un recueil des Fables de La Fontaine. J'ai lu cela en notant sur un carnet tous les mots bizarres que je rencontrais dans les Fables de La Fontaine et dont je trouvais l'explication dans le Petit Larousse. J'allais d'un mot à l'autre. Ohlala. Cha-cha-cha. Et puis, les noms propres qui étaient comme des invitations au voyage : les îles Galapagos, Tombouctou... Tout cela enflammait ma petite tête d'enfant. L'ouvrage m'a fait grandir, mais certains mots à l'intérieur aussi. Les gros mots, notamment.
Tous les bons livres déclenchent l'envie d'écrire. C'est fatal. Quand vous lisez un livre qui vous plait, il y a une sorte de fascination et de pouvoir de lévitation qui se déclenche et vous vous dites, c'est formidable quand même d'écrire. Quel talent il a ou quel talent elle a ! Est-ce que je n'ai pas le même talent, même s'il est différent ? Est-ce que je ne peux pas faire aussi bien, peut-être mieux ? L'envie d'écrire naît du plaisir de lire.
Si vous lisez Shakespeare, Dante, Victor Hugo ou Chateaubriand... ils sont tellement au-dessus. Vous ne pouvez pas les imiter, donc ça ne vous décourage pas. Vous savez qu'ils ne sont pas de votre monde, que vous n'écrirez jamais comme eux."
Bernard Pivot, dans Carrefour Savoirs, propos recueillis par Mélanie Carpentier, avril 2017.